Contre le mépris du droit
Disons-le sans ambage, la plus tragique erreur que nous puissions commettre serait de nous accoutumer au pire. Trop longtemps, les nations qui se faisaient les défenseurs de la démocratie et des droits de l’Homme ont eu des indignations à géométrie variable. Leur crédibilité s’en est trouvée fortement abîmée, et c’est certainement l’une des principales raisons de la situation où nous sommes parvenus : trois empires à prétentions coloniales – la Russie, la Chine et, à présent, les États-Unis (mais aussi leur alliés, tel Israël) –, foulent aux pieds le droit international et les droits humains sans qu’au sein du monde dit « libre » des voix assez fortes puissent les en empêcher.
De prétendus « réalistes » qui ne connaissent rien aux réalités, vous diront que plaider pour la paix face à un fauve en rage n’a aucune espèce d’efficace. Ils prêcheront la militarisation, l’escalade de la puissance, la guerre ou vous conseilleront tout simplement de faire le mort, d’attendre que cela passe en priant pour ne pas recevoir une balle perdue.
Ces deux attitudes se veulent aux antipodes de l’idéalisme, qui est, à leur yeux, synonyme d’illusion et d’utopie. Nous ne vivons pas dans un monde utopique, mais l’utopie a toujours été un moyen pour l’imagination de créer des possibles alors que certains sont incapables de penser autre chose que ce qui est. Quant à l’idéal, aux idéaux, ce sont nos boussoles, des principes qui guident nos actions et nous empêchent de tomber dans la barbarie. Nous voudrions montrer à quel point on est, ici, loin de l’illusion.
Que la morale ait besoin de la force, cela n’a rien que d’évident. Que le droit humanitaire ne soit rien s’il n’est pas reconnu et appliqué, quoi de plus obvie ? Mais si votre adversaire se mue en ennemi, s’il ne veut plus jouer le jeu selon des règles communes, est-ce une raison pour renoncer à votre tour à toute éthique et à vous damner avec lui ?
On ne devient pas un héros en utilisant des méthodes abjectes. On ne défend pas la civilisation en recourant aux moyens de la barbarie. Ce qui fait la force de l’Organisation des nations unies, de l’Europe ou des grands pays démocratiques, ce n’est pas leur violence, mais leur refus de la violence. C’est le droit international, qui a été inventé pour garantir la paix. C’est la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui a été rédigée pour sacraliser la dignité de tout être humain. C’est la démocratie, où chacune, chacun, à la même voix, aussi petit et misérable soit-il.
Renoncer à nos idéaux sous couvert de « réalisme » ce serait perdre notre âme. Mais cette âme doit être forgée par les vertus de force et de courage, de justice et de vérité, de prudence et de sagesse. Et s’il est toujours prudent de pouvoir se défendre, il est plus sage de préparer la paix.
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