L’ascension du néofascisme en Allemagne

L’AfD (Alternative pour l’Allemagne), qui a recueilli 20,8 % des suffrages lors des élections législatives du 23 février dernier, en Allemagne, a doublé son score depuis celles de 2021 où elle n’avait obtenu que 10,3 % des voix.


Même si le parti néofasciste ne gouvernera pas, puisque aucune force politique ne veut s’allier à lui, son pouvoir de nuisance est bien réel, mettant en péril le respect des droits fondamentaux et des libertés publiques dans un État clé de l’Union européenne.


En effet, l’AfD est parvenue à imposer ses thèmes de prédilection dans le débat public et à répandre mensonges et peurs dans la société allemande.


La présidente de l’AfD, Alice Weidel, qui a déclaré que les Allemands devraient être « fiers » et « ne devraient pas être coupables des crimes de leurs parents, encore moins de leurs grands-parents », a également tenu, dans un entretien avec le milliardaire trumpiste Elon Musk, des propos lunaires faisant d’Hitler un « socialiste ». S’il ne serait pas juste d’imputer aux nouvelles générations d’Allemands les crimes odieux du nazisme, laisser penser que les génocides des Juifs et des Tziganes peuvent être balayés de la conscience est intolérable. Mais ces entorses répétées à la vérité et à la justice, qui sont la marque de fabrique de l’internationale néofasciste, loin d’engendrer le rejet unanime, séduisent certains, tant la connaissance de l’histoire et la mémoire semblent s’étioler.


L’AfD est, aussi, parvenue à se hisser à la deuxième place des forces politiques allemandes en capitalisant sur des peurs, celles du déclassement, de l’inflation, mais surtout de l’immigration. Thème redoutable pour les grands partis de gouvernement qui ont tous partie liée avec les conséquences de ce qu’on a coutume de nommer la « crise des réfugiés » de 2015 (qui est, en réalité, davantage une crise de accueil). D’une manière générale, les partis néofascistes se nourrissent du sentiment de peur suscité par les attentats islamistes ou supposés tels. Or, quand la peur s’installe, il devient très difficile d’user d’arguments rationnels pour la contrecarrer. Cet affect est un véritable poison, qui conduira, peut-être, si l’on n’y fait rien, à la mort des démocraties.


En effet, trois attaques terroristes attribuées à des personnes étrangères ont eu lieu en Allemagne durant cette campagne. La plus meurtrière, qui a légitimement suscité un émoi considérable dans la population allemande et constitué probablement en tournant lors de cette campagne, est aussi la plus troublante et problématique. Il s’agit d’une voiture bélier conduite par un médecin saoudien ayant obtenu le statut de réfugié, lancée dans la foule sur le marché de Noël de Magdebourg, le 20 décembre 2024, faisant six morts et près de 300 blessés. Il est aujourd’hui avéré que ce médecin était en réalité un sympathisant des mouvements d’extrême droite, comme en témoigne les messages qu’il a pu laisser sur le Web. Mais, l’horreur s’impose et le doute persiste dans les esprits, si bien que chacun tord les faits en fonction de ses opinions et les interprète comme cela l’arrange.


« Nous voulons que quelque chose change enfin dans ce pays », avait alors déclaré la présidente de l’AfD, Alice Weidel. Et c’est là le ressort fondamental de la montée du néofascisme : face à des partis qui se font de simples gestionnaires, qui semblent impuissants devant les crises, les méfaits de la mondialisation et de l’inflation ou d’une immigration montrée du doigt comme la cause de tous nos maux, les partis d’extrême droite se présentent – fallacieusement – comme ceux qui peuvent donner un grand coup de balais ou de tronçonneuse, ceux qui peuvent – enfin ! – changer tout cela, comme par un coup de baguette magique.


Mais les conséquences en sont aggravées par les réactions des partis de droite classique et de centre droit : au lieu de lutter pied à pied – parce que c’est évidemment, pour les raisons précédemment évoquées, extrêmement difficile – ceux-ci tentent de répondre à ces demandes de changement en accordant du crédit et en reprenant même parfois les thèmes et les thèses de l’extrême droite. Au lieu de fournir un autre récit, au lieu d’offrir une véritable alternative, de proposer un changement de voie, ils tentent de ne pas se laisser déborder sur leur droite en validant les peurs et en confirmant les thèses de leurs adversaires, à moins qu’ils n’y souscrivent !


Dans ce contexte où, nous n’avons fait que l’évoquer, les néofascistes constituent une véritable internationale se rendant service d’un pays à l’autre (qu’on pense aux soutiens affichés à l’AfD par Elon Musk, le vice président américain J.D. Vance ou le président hongrois Viktor Orban), la percée de l’AfD n’est pas une demie-victoire : si l’AfD n’a pas gagné les élections et n’a aucune chance de gouverner, elle gouverne déjà dans les têtes.

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