Gagner la bataille culturelle
Les extrêmes droites ont gagné la « bataille culturelle », disent souvent les commentateurs. La notion de « bataille culturelle » a été forgée par Antonio Gramsci, chef du parti communiste italien, emprisonné le 8 novembre 1926 par Mussolini jusqu’à la fin de ses jours, le 27 avril 1937. Dans sa geôle, il eut, malheureusement pour lui, tout le loisir de méditer la façon dont les idées fascistes étaient parvenues à s’imposer en Italie. Il disséquera les ressors de cette victoire mais montrera également ce que peuvent les forces de progrès pour gagner cette guerre qui se joue sur le plan des concepts et des arguments mais aussi le registre des sensibilités, des affects et des émotions.
Tout individu, explique Gramsci, est porteur d’une intelligence et d’une lecture autant rationnelle qu’émotionnelle du monde, dans lequel il inscrit au travers de ses actes, ses choix, ses goûts, une culture au sens large. Car pour Gramsci, la catégorie d’« intellectuel » ne recouvre pas seulement les savants, écrivains et artistes, mais aussi tous ceux qui usent d’idées et de mots : professeurs, journalistes, communicants, éducateurs... Autant dire que chacune et chacun d’entre-nous est concerné tant ces activités créatrices et formatrices ne sont plus aujourd’hui l’apanage d’une petite élite.
Le peuple est mu par des espoirs, des idéaux, des idées, des images et des symboles. Ceux-ci élargissent les âmes et donnent une vision riche, concrète et vivante de ce qu’est l’humanité dans toute sa diversité ou, au contraire, tracent des frontières, excluent, enferment.
Les extrême droites n’ont rien à proposer d’autre que la peur et le repli sur soi : la peur du mélange, des autres cultures, de l’égalité, du désordre, de la liberté… Auxquelles elles opposent la chape de plomb de la sécurité généralisée, le nationalisme fermé, la perpétuation d’inégalités considérées comme naturelles, l’ordre et les traditions, une vision mythifiée du passé et intégriste de la religion.
La force de la gauche, c’est sa formidable capacité à inventer, des modes de vie, des alternatives, des concepts et des émotions artistiques. La culture est à la fois son élément naturel, son principe, sa respiration et son avenir.
Si la gauche veut recouvrer ce que Gramsci nomme « l’hégémonie culturelle », elle devra défaire ces peurs nourries de constats fallacieux, mais surtout offrir une alternative porteuse d’espoir, puisant dans l’immense vivier des œuvres des forces de progrès et la créativité de toutes et tous.
Commentaires
Enregistrer un commentaire